Du 26 mai au 31 juillet 2012


Florence Paradeis, une certaine idée du bonheur. (extrait) 

Les premières photographies de Florence Paradeis que j’ai vues voici cinq ans, présentaient des « scènes de genre », pour ne pas dire des saynètes, où, dans un cadre des plus domestiques, un ou deux acteurs au maximum jouaient des « scènes de ménage ». Comme dans un pseudo-reportage sur le quotidien de nos banlieues, on pouvait voir, par exemple, une femme-une mère ?- étendre son linge dans une buanderie exiguë pendant qu’une jeune femme-sa fille ? – assises, sur la machine à laver, assistait à la chose comme détachée et indifférente. Une autre photographie montrait un jeune homme – un fils ? – à l’allure un peu gouape tendre sa main vers une poignée de billets que lui tendait une femme d’âge mûr en déshabillé « 3 Suisses » – sa mère ? – d’un geste résigné du fond d’un lit défait…. Ces « mélodies en sous sol » du pauvre n’avaient pourtant rien de la fatalité héroïque que ce même type de scènes peuvent provoquer dans le défilement narratif du récit cinématographique invoqué. Ces images ne provoquaient pas davantage une espèce de compassion misérabiliste suspecte que le regard élitiste repu peut porter avec condescendance sur un quelconque bon ou mauvais sauvage… Ces images, au contraire, donnaient à priori l’impression d’une irréalité fabriquées, d’une invraisemblance absolue, d’un pur « montage ». Elles pouvaient se lire comme une parodie perspicace des clichés les plus convenus, comme un manifeste du « chiqué ». Mais tout « chiqué », surtout celui des boxeurs avant le coup de gong salvateur qui les délivrera de la punition fatale, provoque une adhésion inconsciente, qui, plus que le parti pris pour le plus faible, est la reconnaissance trouble de sa capacité à ruser. En quelque sorte une espèce de « tendresse » pour celui qui, comme Ulysse et son hétéronyme Person ne, est capable de déjouer la violence inéluctable qui vise son intégrité par une feinte assez « ficelle » mais efficace : en se mettant tout simplement à distance. Ce trait commun au comportement humain – et il ne s’agit pas là d’une considération platement « structuraliste » – est paradoxalement une des conditions premières pour qu’un sentiment de personnification nous saisisse face à de telles propositions.  Comment ne pas adhérer en effet à un procédé qui, comme dans le plus vulgaire des « realité show », nous donne à assister aux démêlés spectaculaires d’une Psyché dont la banalité fictionnelle « recopie » au plus près notre banalité ? Obéissant à l’invite peu élégante d’apprendre – et de voir – que – « ça n’arrive qu’aux autres », ces images (nous) touchent d’autant plus que l’incrédulité de l’héroïsme bascule ici dans la quotidienneté de l’épique. Le Personne d’Ulysse n’était pas un « anonyme », mais, pour paraphraser d’autres moments sublimes de la conjonction fictif : réel, une « société », sans doute la nôtre en l’occurrence….  Si l’on poursuit la description des photographies réalisées par Florence Paradeis, on pourrait constater en effet que le substrat relationnel qu’elles mettent en jeu se précise dans la relation de ce qui pourrait se qualifier « d’autobiographique ». A la suite de ces protagonistes « familiaux « – interviennent d’autres personnages dont on devine, plus qu’on ne le sait, qu’ils appartiennent au cercle « parental « lui même, sinon ay cercle clanique » des ami(e)s.  C’est bien parce qu’elles travaillent le corpus des « représentations virtuelles (des) photographies de famille « qu’elles n’offrent qu’une certaine idée du bonheur « et non la transposition idyllique et parfaite de ce dernier. Curieusement, les protagonistes des photographies de Florence Paradeis ne miment pas les conventions médiatiques du papier glacé, mais jouent absolument leur rôle. Bizarrement, le propos de cette artiste ainsi considéré nous convainc qu’il s’agit bien pour elle d’une esthétique du « réalisme », qu’il importe encore de croire et de montrer, au-delà de tous les artifices, de ce que l’image s’ingénie à cacher. L’invraisemblance des situations, leur évidente mise en scène, oblige ainsi par la banalité-ou plutôt par la modestie de leurs propos- à procéder à un retournement du jugement qui ferait croire à leur véracité. 
Ramon Tio Bellido 

© Florence Paradeis