Si Paris était Beyrouth de Sabyl Ghoussoub
Si Paris était Beyrouth de Sabyl Ghoussoub
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Du 19 novembre au 23 décembre 2022
Le Paris de mes parents ressemble comme deux gouttes d’eau à Beyrouth. Pourtant c’est Paris, ou Beyrouth, je ne sais plus.
Si Paris était Beyrouth
1975 – 1991
Mon père m’a toujours répété cette histoire : « Pendant dix ans Sabyl, j’ai déchiré ma feuille d’impôts persuadé que la guerre allait se terminer et que ta mère et moi allions revenir vivre à Beyrouth. » Mes parents sont arrivés à Paris en 1975, la guerre civile libanaise a commencé la même année et ils n’ont plus jamais vécu au Liban. Il y a quelques années, un projet photographique au Liban m’a amené à fouiller dans mes archives de famille. En les parcourant, certaines images ont attiré mon attention. Elles avaient toutes ce point commun de me rappeler Beyrouth alors qu’elles avaient été prises à Paris. Se dévoilait petit à petit un nouveau territoire, un Paris que je n’avais encore jamais vu ailleurs. J’ai trouvé des vidéos de repas de famille où tout le monde parle en arabe, où les huîtres se mélangent au houmous. J’ai rehaussé certaines images pour qu’elles retrouvent leur couleur d’origine, libanaise, méditerranéenne : le ciel bleu et la lumière jaune. J’ai montré mes archives de famille à l’anthropologue Sophie Brones, qui venait d’achever un important travail de recherche sur Beyrouth et les archives de la reconstruction. Je ressentais le besoin d’un autre regard sur ce projet. Elle écrit : « Avec ces images, la famille, loin d’être captée comme en ready made par l’appareil photographique, se construit. Faire des photos, se faire photographier et photographier la ville, c’est aussi être là, s’inscrire, s’ancrer dans un territoire. Mais c’est aussi une famille imaginée qui écrit sa propre fiction, se représente, dans son éloignement, et son insertion dans une société autre, où elle s’établit, sans vraiment s’identifier. » Le Paris de mes parents ressemble comme deux gouttes d’eau à Beyrouth. Pourtant c’est Paris, ou Beyrouth, je ne sais plus.